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L'art Kuba vu par Gérard De Boe (1904-1960)

Rareté : l'art Kuba vu par le cinéaste Belge Gérard de Boe en 1952.



Ayant étudié à Oudenaarde pour devenir enseignant, Gérard De Boe (1904-1960) est devenu professeur à Oudenaarde en 1926. Mais un an plus tard, il a laissé la Belgique pour devenir assistant médical au Congo de 1927 jusqu'à 1938. En 1940, il devient caméraman travaillant pour le Centre d'information et de documentation du Congo. Au cours de 1941 et 1942, il a été correspondant de guerre en Abyssinie, Nigeria et Afrique du Sud. Il a travaillé de 1943 à 1944 en tant que cinéaste pour le Centre d'information et de documentation du Congo et comme une radio-coopérateur de ce Centre. En 1945, il est revenu en Belgique et a réalisé à partir de ce moment-là ses films documentaires en Belgique et au Congo. Il fut le maître de jeunes talents de tournage belges comme Émile Degelin et Jean Cleinge (source : Internet Movie Database).


Dans ce court métrage de 1952, intitulé sobrement "Bakuba", Gérard De Boe montre l'étendue du savoir des Kuba en matière d'art. Bien entendu, la statuaire est prépondérante bien que les masques ne soient pas présentés dans le film. Les chefs d’œuvres sont présents mais le plus intéressant est de voir les artistes (hélas non nommés) sculpter des effigies de Ndop vraissemblablement destinées à un usage marchand.






Une étonnante statue montrant un personnage surmontant un autre attire l'attention tant ce type de sculpture relève aussi d'autres groupes ethniques (Tabwa par exemple).

Le parallèle avec les célèbres photographies d'Emil Torday (ci-dessous) et d'Eliott Elisofon dans l'atelier de Mushenge (Nsheng) est ici évident.


E. Torday (1908) in Land and People of the Kasai, Hilton Simpson, 1911 (3)

Cela pose d'ailleurs la redoutable question de la nature des ateliers et de leur rapport à la demande. Si les photos de Torday qui datent de 1908 ne prêtent pas à la confusion, David A. Binkley et Patricia Darish notent "que de nombreuses coupes, boîtes et autres objets en bois décorés, ont été produits dans le seul but d'être exportés" et que ce marché a même été "favorisé par l'intérêt que prêtait l'administration coloniale à l'essor du tourisme" (2). Toutefois les mêmes auteurs précisent quelques lignes plus bas que la création de l'école de Nsheng/Mushenge par la mission catholique était aussi "d'intéresser les jeunes Kuba à leur riche héritage culturel" (ibid.).


Mushenge Art School, Mushenge, Democratic Republic of the Congo, 1972 ©Eliot Elisofon

En dépit des ces considérations sur le marché, le raffinement des détails, mais aussi le port hiératique des personnages sont autant de caractéristiques majeures de cet Art magnifique célébré en son temps par le père Joseph Cornet (3)











Il en va de même pour les fameux "velours du Kasaï" ou Buiin produits par les Shoowa. Un parallèle intéressant est d'ailleurs fait entre les motifs des tissus et l'art des scarifications dans lesquels on retrouve les symboles géométriques et leur technique de traçage (ci-dessous). La scarification du corps aussi unique que les tracés des velours confère à la fois une appartenance aux différents groupes du royaume Kuba (Bushoong, Shoowa, Ngeende, Pyaang, Kete, etc.) et une stricte individualité à celle qui les porte.









Le reportage se termine enfin sur le fardeau du roi des Kuba, le Nyim ou Niymi, portant son formidable costume (donné pour 80 kilogrammes dans le reportage) uniquement le jour de son intronisation et le jour de sa mort.

Ce précieux témoignage, même si l'on peut discuter des conditions d'émergence d'un cinéma colonial au Congo ou ailleurs, renvoie à la rareté et à la beauté mystérieuse d'une Afrique à la fois fantasmée et réelle.

Sources :


(1) SIMPSON, MW Hilton. Land and Peoples of the Kasai. Read Books, 2007.

(2) BINKLEY, David Aaron et DARISH, Patricia. Kuba. 5 Continents, 2009.

(3)CORNET, Joseph. Art royal kuba. Edizioni Sipiel, 1982.

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